Cette crise pandémique COVID-19 a amené les gouvernements à revoir l’organisation habituelle de leurs pays vers un besoin nouveau imposé par une crise sanitaire majeure (changement des priorités industrielles sur les territoires ou des activités jusqu’alors délaissées par les instances politiques ont vu un intérêt renaître du fait de leur utilité pour lutter contre cette crise) (Marasova et all, 2020) [1]; Calvo E. ALpi D., 2018[2]; Kuryliak et all., 2017)[3]. Bien des pays ont parlé d’une « économie de guerre ». Cette pandémie a prouvé l’existence des compétences individuelles et collectives qui favorisent l’adaptation, voire l’anticipation dont nous sommes capable face aux crises de demain. Toutefois l’enjeu est gigantesque. Il implique la société civile, et l’ensemble des acteurs aussi bien du secteur public et de secteur privé. La tendance récente à redéfinir les frontières de la production mondiale et à garantir une plus grande autonomie à l’égard de l’Asie, peut représenter une opportunité de re-positionnement du tissu économique et industriel.
La Covid-19 s’est propagée très vite à travers le monde provoquant une sidération des populations et générant une crise majeure à gérer. A coup sûr, cet évènement a exigé de citoyens, des entreprises et des territoires d’envisager des scenarios nouveaux et plus ou moins adaptatifs. Se relever d’une crise, c’est envisager le futur avec d’autres perspectives. Cette pandémie questionne la cohésion sociale, interroge la mobilisation de richesses déjà construites et transforme les liens fondateurs des sociétés. Nous pouvons penser que l’expérience de la pandémie a transfiguré son mode d’organisation. Des apprentissages sont tirés de cette situation, apprentissages utiles pour organiser le futur. Citons le télétravail, l’organisation des sorties quotidiennes, la diffusion de l’information à but sanitaire auprès de la population, la modification des pratiques commerciales, l’utilisation des transports, la gestion des services de soins et la révision des politiques de santé, la révision des politiques de production de produits utiles pour la santé, l’enseignement à distance et l’évolution des pratiques pédagogiques.
Au-delà de cette crise engendrée par la COVID-19 qui n’est qu’un point de bifurcation, les sociétés sont ou seront confrontées au cours du XXIème siècle à d’autres défis sur lesquels la gestion de la COVID-19 aura une action. Il est intéressant de s’interroger à ces enjeux multiples liés aux problèmes de solidarité et santé, à l’environnement, à la démographie, aux réseaux, à la numérisation de la société et l’usage de l’intelligence artificielle ainsi qu’ à l’éducation…
Concernant la société civile :
Dans l’ensemble des pays européens, les pouvoirs publics ont pris des mesures de soutien aux acteurs socio-économiques, qu’il s’agisse d’aide aux travailleurs, aux citoyens en difficulté ainsi qu’aux entreprises afin de limiter le chômage dû à la baisse de l’activité économique. Les capacités de solidarité entre les citoyens ont été renforcées en valorisant l’entraide et la proximité. Une production de sens entre ce qui est fait localement, fait maison, retour à la cuisine familiale et aide aux voisins ont été valorisé par les médias sociaux et institutions publiques. Quelles places donner à ces activités et comment l’inscrire de manière durable dans les dispositifs socio-économiques dans le futur ?
Nous assistons à la transformation du rôle et des formes structurelles de la société civile. Il serait intéressant d’étudier comment la société civile permet d’amener à prendre conscience d’un problème, de construire une réflexion et l’émergence de prises de décision associées.
La rue, les associations, les citoyens sont producteurs de mobilisations nouvelles. La Covid-19 est un révélateur et un déclencheur de nos capacités à interagir ensemble et renforce des cohabitations d’acteurs divers dans l’espace public.
Les universités, acteurs majeurs dans la formation et l’intégration professionnelle des étudiants ont adapté leurs savoir-faire à la crise. Le public étudiant a lui aussi vécu ces moments d’isolement connectés avec une sérénité discutable. Le profil des étudiants, les choix de formations et les formes d’investissement du temps d’études ressemblera-t-il dans le futur à celui qui était attendu avant la COVID-19 ?
Les outils du digital se sont imposés et ont interféré sur les quotidiens de chacun. Ces moments d’apprentissage à distance participeront à la mise en avant de compétences singulières qu’il serait bien d’identifier et de formaliser..
Concernant les entreprises :
La digitalisation forcée des organisations a remis en perspective des métiers, l’organisation des lieux de travail et a impacté les modes de fonctionnement en équipe. Le télétravail devenant la forme préconisée majoritairement, la réglementation a été interpellée dans ses manquements et est en cours d’évolution. Le management d’équipes désormais à distance révèlent la qualité des relations existantes et des compétences nouvelles à acquérir. Aujourd’hui, le rapport individuel/travail sont des discussions qui s’imposent pour les recrutements de demain ainsi que dans la présentation des offres d’emploi. Les entreprises européennes sont amenées à se repositionner sur les chaînes internationales de valeur. Ces nouveaux équilibres interrogent sur le retour à des politiques industrielles que la mondialisation avait effacées.
Concernant les territoires : L’Europe a fait le constat, lors de cette crise, de sa dépendance d’un fournisseur unique bien souvent en provenance de Chine ou de l’Inde. Cet évènement amène la révision des politiques de production de produits utiles pour la santé. Des produits stratégiques au regard de la protection des populations, amènent à une réflexion sur la proximité (approvisionnement rapide ou « fait localement » ou encore produit acheminé par Amazon). La mobilité et l'écologie cohabitent désormais dans les réflexions territoriales amenant à considérer l’équilibre entre la santé, l’environnement et la croissance à maintenir ou à retrouver.
Finalement, à l’issue de la COVID-19, quels futurs envisageons-nous ? Que retiendra l’Europe de cette crise pour organiser le futur des acteurs, des entreprises et des territoires ? Quels modèles, émergent-t-ils de cette crise systémique ? La prolongation des Etats d’urgence remettra-t-elle en cause l’Etat de droit dans certains pays réduisant des libertés de ces mêmes pays ? Que dire des politiques communautaires et de celles de la Banque Centrale Européenne en matière de déficit budgétaire des Etats-membres ainsi que de la mutualisation de la dette et des taux d’intérêt associés ? Le monde de demain sera-t-il largement influencé par l’usage des outils associés au monde digital ? Que retiendront les politiques de santé et les pratiques médicales de ces expériences ?
Autant de questionnements que cette crise fait émerger, auxquels les communications soumises participeront à apporter des réponses. Cet appel à communications souhaite voir émerger des bilans, des explications et des modèles prédictifs afin de gérer au mieux d’autres crises issues de prises de risque les mieux maîtrisées qu’elles puissent être. Les présentations qui mobiliseront des approches croisées et des analyses comparatives réalisées dans une perspective interculturelle. L’objectif est de pouvoir modéliser des apprentissages afin d’en tirer des leçons pour le futur.
[1] Marasova et all. « L’évolution du milieu entrepreneurial en Slovaquie depuis sa transformation politique et économique », Management &Gouvernance, N°23, 2020, pp.13-26
[2] Calvo E. ALpi D. « Ombrie : région du bien-être et de la qualité de la vie », Management & Gouvernance, N°19, 2018, pp.31-40
[3] Kuryliak et all. Benchmarking des systèmes de production locaux en Europe de l'Est et en Ukraine, Management et Gouvernance, N°17, 2017, pp.15-28